Posté le: Jeu Déc 28, 2006 9:50 am
Margot de Volpilhat
Il arriva ce jour à Montélimar un équipage composé de trois hommes d'armes, dont un mercenaire, et de trois femmes, de trois générations différentes : Henriette, vieille femme décrépie par l'âge et le labeur, portant vêtement noir et col de dentelle blanche - c'était la gouvernante - ; Adeline, jeune femme ayant plus de vingt ans et moins de trente, aux yeux porcins, aux cheveux d'une couleur indescriptible mais soignés, parce que la maîtresse le voulait - c'était la camérière - ; Marguerite enfin, la plus jeune, à douze ans tout juste majeure, et baronne. Elle avait pour parents deux grands de ces Royaumes. L'un était en exil en Yspagne, ce qui d'ailleurs lui plaisait fort, et l'autre était ad patres pour des raisons que nul ne parvint jamais à percer.
Pour voyager, les cheveux d'un blond tirant sur le roux de la jeune fille avaient été tressés et enroulés en couronne sur sa tête. Pour elle le printemps était là, et permettait de faire route avec plus de confort... Malgré tout, l'air restait vif et mordant. Craignant le froid, dans sa voiture elle s'emmitouflait dans une grande pelisse, bleue à l'extérieure, de la blancheur de l'hermine à l'intérieur. C'est vrai que, lorsque l'on est une petite fille, seule à disposer des revenus d'une baronnie très bien exposée pour la production de fruits et de vin, à l'atelier de broderie renommé... On jouit de certains produits de luxe.
Elle avait entrepris cette expédition dans le nord sous bonne garde. Pour cela elle avait fait venir un mercenaire de confiance et de grande qualité militaire, le sire Thaddeus d'Ambre. C'est qu'elle se rendait chez son frère aîné, le jeune Reginhart, baron de Malpertuis, et qu'après elle irait chez un grand du Royaume... Il s'agissait d'arriver entière et bien disposée.
Après avoir prêté allégeance et prévenu le nouveau Coms de Lengadòc de son départ, elle avait poursuivi son chemin vers l'est, jusqu'au Rhône, qu'elle comptait remonter.
C'est ainsi qu'elle arriva à Montélimar, en Dauphiné-Lyonnais. Elle songeait s'y approvisionner en nourriture de route, mais lorsque, se délassant les jambes en parcourant le marché en compagnie d'Adeline et Henriette, elle entendit les prix qu'annonçaient les crieurs publics, elle ne put s'empêcher de murmurer :
-« Traversant la frontière, les prix augmentent tant ? Aristote, faites que cela ne soit pas systématique, ou je serai ruinée avant que d'arriver en Champagne ! »
Bien sûr, elle exagérait... Sa fortune lui suffirait très largement, mais son coeur charitable songeait aux va-nu-pieds, aux guenilleux pour lesquels ces prix devaient être bien peu abordables. Aussi ignorait-elle les salaires de la mine, qu'elle savait au plus bas possible en Languedoc.
Elle résolut de ne rien acheter sur le marché et de faire halte dans une auberge pour la nuit, avant de reprendre son chemin.